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Congés payés : la Cour de Cassation révolutionne les pratiques pour l’entreprise

Par plusieurs décisions en date du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a écarté l’application du Code du Travail.

Son objectif ? Mettre en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congés payés !

En synthèse, les magistrats de la Haute Cour ont jugé que :

  • Les salariés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette elle n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle.
  • En cas d’accident du travail le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail
  • La prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.

    Tout d’abord, un rapide état des lieux du cadre juridique en vigueur jusqu’aux arrêts du 13 septembre 2023 s’impose



    • S’agissant de l’acquisition des congés payés :

    Depuis presque 20 ans, les dispositions du Code du travail en matière d’acquisition des congés payés ne sont pas conformes à celles du droit communautaire.

    En effet, l’article 7 de la directive européenne n°2003/88/CE prévoit un droit à congés payés d’au moins 4 semaines pour les salariés. Ce droit n’étant soumis à aucune condition, l’absence du salarié ne doit pas avoir d’impact sur le calcul de ses droits à congés payés.

    Ceci a été affirmé par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui a rappelé qu’il n’y a pas de distinction à faire entre les salariés malades et ceux qui travaillent (CJUE 20 janv 2009, C‑350/06 et C‑520/06) et que le droit à congé payé n’est pas subordonné à un temps de travail effectif (CJUE 24 janv 2012, C- 282/10).

    De son côté, l’article L.3141-3 du Code du travail subordonne l’acquisition de 5 semaines de congés payés par an à la réalisation d’un « travail effectif ». Il en résulte que les salariés absents pour maladie ou accidents d’origine non professionnelle n’acquièrent pas de congés payés pendant leur absence.

    • S’agissant de la limite de durée d’acquisition :

    Alors que le droit communautaire ne prévoit pas de limite pour l’acquisition des congés payés, le code du travail en fixe une.

    Concrètement l’article L.3141-5, 5° du Code du travail, assimile à du travail effectif, les absences du salarié pour cause d’accident de travail (AT) ou maladie professionnelle (MP) dans une limite d’un an. En pratique, cela implique que le salarié ne peut plus acquérir de congés payés lorsque son arrêt de travail AT/MP est prolongé au-delà d’un an.

    • S’agissant de la prescription des droits à congés payés :

    Là encore, le point de départ de la prescription n’est pas fixé de la même façon par la jurisprudence communautaire et la jurisprudence nationale !

    En application du droit communautaire, la CJUE considère que « la perte du droit au congés payés à la fin d'une période de référence ou d'une période de report ne peut intervenir qu'à la condition que le salarié ait effectivement été en mesure d'exercer ce droit en temps utile » (CJUE 22 sept. 2022, aff. C- 120/21).

    La Cour de cassation avait quant à elle, une autre position. Elle soutenait que le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés devait être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Cass. soc, 14 nov. 2013, n°12-17.409).

    Le 13 septembre 2023, la Cour de Cassation écarte l’application de certaines règles nationales en matière de congés payés en s’appuyant sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne


    La directive n°2003/88/CE n’a jamais été transposée en droit français. Elle n’est donc pas applicable aux litiges entre salariés et employeur de droit privé en application du principe « d’absence d’effet direct ».

    Grâce à cet argument, les juges français avaient jusqu’alors réussi à soustraire les employeurs du secteur privé de l’application des dispositions communautaires et maintenu l’application des articles L.3141-3 et L.3141-5 du Code du travail face aux salariés invoquant l’application des dispositions communautaires (Cass. soc, 13 mars 2013, n° 11-22.285).

    Ce raisonnement ne garantissant qu’une sécurité temporaire, les juges avaient plusieurs fois tenté d’avertir le législateur de la nécessité de son intervention afin de mettre fin à  cette non-conformité.

    En effet, suite à la réponse claire de la CJUE soutenant que la perte du droit à congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident non-professionnel était contraire au droit de l’Union Européenne (CJUE, 24 janv 2012, C-282/10), la Cour de cassation avait fait valoir que la mise en conformité du droit français ne pourrait s’effectuer que par la modification de l’article L.3141-5 du Code du travail (Cass. soc, 13 mars 2013, n° 11-22.285).

    La Cour de cassation avait récemment accentué son alerte en considérant que dans la mesure où l’interprétation du droit national ne permet pas d‘aboutir à une solution conforme à la directive européenne, le juge français doit laisser la réglementation nationale inappliquée au profit de l’article 31, § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE (Cass. soc. 15 septembre 2021, n° 20-16010 FSB ; Cass. soc. 2 mars 2022, n° 20-22214 D)

    Cette initiative avait été suivie par la Cour administrative d’appel de Versailles qui le 17 juillet 2023 avait reconnu l’incompatibilité des dispositions nationales avec les dispositions communautaires et condamné l’État français pour défaut de transposition de cette directive (CAA Versailles, 17 juill 2023 n°22VE00442).

    En réponse à l’inaction du législateur, la mise en conformité s’est effectuée sur le fondement de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, d’application directe !

    Cette argumentation permet de contourner l’obstacle de l’absence d’effet direct de la directive.

    Elle impose aux juges d’écarter partiellement l'application de l'article L. 3141-3 du Code du travail qui conditionne l'acquisition de droits à congé payé à l'exécution d'un travail effectif par le salarié ainsi que l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail qui limite à un an l’acquisition de congés payés en cas d’accident de travail.

      Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour vous, employeurs et/ou services RH ?


      Ces décisions bouleversent les pratiques pour l’entreprise !

      Désormais les salariés absents pour maladie ou accident, d’origine professionnelle ou non, peuvent invoquer ces jurisprudences pour réclamer des droits à congés payés au titre de leur période d’absence, quelle qu’en soit la durée.

      Voici les trois conseils du cabinet d’avocat en droit social Accorem Avocat, afin d’anticiper les contestations et contentieux, adapter les pratiques et maîtriser les risques

      Vigilance et prise d’initiative pour anticiper les contestations !

      Ces décisions ont un effet « rétroactif ». Elles peuvent donc servir de fondement pour obtenir des rappels de congés payés pour des absences antérieures, ce qui n’est pas à négliger !

      • Vigilance sur les contrats de travail déjà rompus, puisque vos anciens salariés sont en droit de réclamer des droits à congés payés non réglés lors d’absences.
      • Prise d’initiative pour les contrats de travail en cours, puisque vos salariés actuels pourraient réclamer un nouveau calcul de leurs droits à congés payés.

      La prise de position s’impose : faut-il modifier les règles dès à présent et pour l’avenir ou en outre régulariser le passé ?

      Seul un audit social RH précis vous permettra d’apporter la réponse adéquate et Accorem Avocat vous accompagne dans cette mission ainsi que la prise de décision associée !

      Souplesse et réactivité pour adapter vos pratiques !

      L’impact RH et paye doit être abordé et (re)pensé !

      Ces décisions impliquent un changement de culture dans l’entreprise puisque désormais le salarié absent pour une maladie même non professionnelle aura les mêmes droits qu’un salarié ayant effectivement travaillé.

      • Souplesse puisqu’il faut envisager la modification du paramétrage de vos logiciels afin que les formules de calculs prennent en compte l’acquisition de congés payés même en cas de d’absence pour accident ou maladie non professionnelle et sans limite de durée.
      • Réactivité puisqu’il s’agit de mettre en demeure le salarié de prendre ses congés payés afin de faire courir le délai de prescription sur les salaires de 3 ans et pouvoir en justifier formellement.

      Pragmatisme et stratégie pour maîtriser les risques !

      Le ministère du Travail a informé prendre acte des arrêts et analyser les différentes options possibles. L’avenir éclaircira les zones d’ombres laissées autour de ces décisions.

      • Pragmatisme: certaines pratiques comme les visites de contrôle de l’arrêt de travail du salarié à l’initiative de l’employeur ou les licenciements pour désorganisation de l’entreprise pourraient se développer à l’avenir.
      • Stratégie: si les principes de l’acquisition des congés semblent désormais fixés, l’intervention du législateur et/ou de la négociation collective en entreprise pourraient permettre d’atténuer les effets de ces jurisprudences en limitant dans le temps leur report.

      En effet, la CJUE considère que la période au terme de laquelle les congés acquis sont perdus doit être substantiellement supérieur à une année.

      Elle a déjà pu admettre une limitation du droit au report des congés payés, dans la limite de 15 mois, pour les salariés en incapacité de travail sur plusieurs périodes de référence d’un an consécutives (CJUE 22 novembre 2011, aff. C-214/10).

      Cass. Soc. 13 septembre 2023 – Pourvois n°22-17.340 à 22-17.342, 22-17.638, 22-10.529, 22-11.106, 22-14.043

      Pour toute demande d'accompagnement en matière de congés payés au sein de votre entreprise (Lyon, Rhône Alpes...)

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